Les élections départementales et régionales ont été marquées par un taux d’abstention extrêmement élevé, comparable au taux déjà enregistré lors des élections municipales de 2020. Alors que les vainqueurs de ces consultations ont tendance à triompher et à agir comme si rien ne s’était passé, toute personne soucieuse de l’avenir de la démocratie dans notre pays devrait s’interroger sur ce phénomène extrêmement inquiétant.
On écartera l’explication liée à l’épidémie de COVID 19. Elle a certainement joué en juillet 2020. Le retour à la vie normale était par contre extrêmement visible, ces dernières semaines, dans toutes les manifestations de la vie sociale. Ajoutons, que l’abstention était à première vue, plus marquée chez les jeunes que chez les seniors. Il faut donc chercher d’autres explications.
La mollesse de la campagne et l’uniformité des discours constituent certainement un premier facteur. Nous vivons dans une société où le contrôle social et médiatique s’est fortement accentué et où les opinons dissidentes sont facilement mises au pilori, mais quand on veut obtenir les voix des électeurs, il faut faire l’effort de les intéresser et mettre en avant des propositions suffisamment tranchées pour qu’ils aient envie de faire un choix et de l’exprimer. La lecture des documents de campagne montre que cela n’a que rarement été le cas.
La distance entre les candidats, les élus et les citoyens a, elle aussi, joué un rôle certain. Beaucoup de « politiques » se sont persuadés que tout passait aujourd’hui par les réseaux sociaux, sans se rendre compte que les pratiquants assidus de ces réseaux sont en réalité minoritaires et que leurs centres d’intérêt ne les dirigent pas nécessairement vers le débat public. Les élections départementales étaient encore, il y a vingt ans, des élections de proximité au cours desquelles les candidats s’efforçaient d’avoir un contact direct –souvent par porte à porte- avec les électeurs. Les élus passaient, eux-mêmes, de longues heures à recevoir, tout au long de leur mandat, ceux qui avaient besoin d’exposer leurs problèmes et d’y chercher une solution. Ces temps paraissent aujourd’hui révolus, mais toute une partie des électeurs éprouve, de ce fait, un sentiment d’abandon.
Il y a enfin le décalage, de plus en plus manifeste, entre les instances qui sont élues au suffrage universel direct et les lieux où s’exerce réellement le pouvoir.
Ce décalage était manifeste lors des dernières élections municipales où l’on demandait aux citoyens de choisir des maires et des conseillers municipaux, alors que l’essentiel des pouvoirs et des compétences se trouve aujourd’hui dans des intercommunalités qui ne sont élues qu’au second degré et qui sont des lieux d’intenses marchandages politiciens. Les électeurs éprouvent, consciemment ou non, un sentiment de dépossession.
On peut faire un constat un peu semblable pour les départementales –l’utilité et la fonction du conseil départemental ne s’imposant pas avec évidence- et pour les régionales –où les enjeux sont plus marqués mais où la recentralisation imposée par l’Etat, et qui s’est encore accentuée avec la gestion élyséenne du COVID, prive peu à peu les collectivités de leur substance.
Plutôt que de se lamenter et d’incriminer les mauvais citoyens, il serait temps que le monde politique se remette en question et engage les réformes nécessaires pour que la démocratie retrouve tout son sens.