Réponse à l’article de Jacques Attali paru dans Les Echos du 3 août 2022. Le journal Les Echos n’a donné aucune suite à cette réponse.
Dans un article paru dans Les Echos du 3 août 2022, intitulé « La France, la gauche, Israël et la Palestine », M. Jacques Attali affirme qu’ « un jour, les jeunes Palestiniens, débarrassés de leurs dirigeants islamistes ou corrompus… renonceront à réclamer un Etat, pour demander les mêmes droits que les Arabes israéliens dans un Etat unique ». Cette vision, inspirée pour partie par les récents « accords d’Abraham » entre Israël et certains pays arabes, pêche malheureusement par son caractère superficiel et simpliste.
M. Attali met en avant les « Arabes israéliens » -qui sont aussi les Palestiniens vivant en Israël. Certes, le terme d’apartheid, évoqué parfois à propos de leur situation, est excessif puisqu’ils ont en théorie, les mêmes droits, notamment politiques, que les Israéliens. Ils n’en sont pas moins soumis à des différenciations dans leurs droits -l’armée, l’accès aux kibboutz- et à de réelles discriminations de fait -en premier lieu, dans l‘habitat. Leur citoyenneté est plus qu’incertaine, surtout depuis l’adoption de la loi fondamentale de 2018 qui a fait d’Israël l’Etat-nation du peuple juif. Leurs liens restent forts avec les Palestiniens de Jérusalem, de Cisjordanie et de Gaza, comme l’ont montré les événements d’avril-mai 2021.
Le terme d’apartheid s’applique à l’inverse de manière flagrante dans les territoires occupés. M. Attali glisse très rapidement sur le problème majeur, celui de la colonisation, qui est la cause principale de l’échec du processus qui s’était engagé à Oslo. Il ignore les tracasseries quotidiennes subies par les Palestiniens dès qu’ils souhaitent se déplacer. S’il s’était rendu dans les territoires occupés, il aurait pu constater que tout est mis en œuvre, à chaque barrage, pour dresser les uns contre les autres les jeunes Palestiniens et les jeunes militaires israéliens qui les contrôlent sans ménagement.
Il est facile d’humilier les dirigeants palestiniens en les qualifiant de corrompus et d’islamistes. Mais quelle est la marge d’action de l’Autorité palestinienne sur un territoire qui reste morcelé en zones A, B et C ? De quel avenir peuvent rêver les deux millions d’habitants de Gaza encerclés sur une bande de terre de 40 kilomètres sur 20 ? Comment un renouvellement politique pourrait-il être possible quand des milliers de militants palestiniens restent enfermés dans les prisons israéliennes -notamment, l’un des plus charismatiques, Marouane Barghouti ?
Nous sommes tous attachés à ce qu’une solution de paix soit trouvée entre Israéliens et Palestiniens, mais cela passera d’abord par l’arrêt de la colonisation, par la libération des prisonniers et par un desserrement de l’emprise militaire israélienne qui permette l’organisation d’élections libres. Ce n’est pas, comme le fait M. Attali, en niant l’identité palestinienne.