En 2004 huit Etats de l’ancienne Europe de l’Est -les pays Baltes, la Hongrie, la Pologne, la République Tchèque, la Slovaquie et la Slovénie- rejoignirent l’Union européenne. Ils furent suivis par la Roumanie et la Bulgarie, en 2007, par la Croatie en 2013.
Le rêve de la Grande Europe poursuivi par le général de Gaulle puis par François Mitterrand prenait enfin réalité.
Les réticences à l’égard des anciens pays de l’Est n’en restaient pas moins fortes. On le vit lors de la campagne sur le projet de traité européen de 2005, lorsque fut déclenchée l’absurde campagne d’opinion contre le « plombier polonais ».
Les vertus contestables de l’ « état de droit »
Presque vingt ans plus tard, l’Union de l’Est et de l’Ouest n’a guère progressé. La transition de ces Etats vers la démocratie libérale ne s’est pas faite, comme par miracle, du jour au lendemain. Des présidents ou des gouvernements hyperconservateurs se sont mis en place dans certains d’entre eux, notamment en Hongrie et en Pologne. Des pays qui avaient été confrontés dans le passé à d’importants transferts de population et qui, à la différence des pays d’Europe de l’Ouest, n’avaient pas eu d’empires coloniaux, se sont montrés extrêmement fermés sur la question des migrants. Les pratiques de corruption se sont souvent développées, notamment en Roumanie et en Bulgarie, mais si l’on en juge par le nombre d’affaires qui affectent notre propre classe politique ou la classe politique allemande -récemment touchée par l’affaire des marchés publics sur les masques anti-covid-, les pays de l’Est n’ont pas, en ce domaine, le monopole.
Est-il dès lors opportun de développer une offensive systématique contre certains de ces Etats sur le fondement prétendument vertueux de l’ « état de droit » ? Ces attaques posent d’autant plus de questions qu’elles sont souvent à sens unique et que certains Etats, situés à l’Ouest, comme le Danemark -auteur d’une politique particulièrement choquante et parfaitement contraire à ce même état de droit à l’égard des demandeurs d’asile- ne sont nullement inquiétés.
L’interminable attente des pays des Balkans
L’autre dossier préoccupant est celui des pays des Balkans toujours tenus à l’écart de l’Union européenne malgré leurs demandes d’adhésion. Il est attristant de voir sur les cartes européennes de l’évolution de l’épidémie du Covid un blanc systématique sur ces six Etats -Albanie, Bosnie, Kosovo, Macédoine du Nord, Montenegro, Serbie. Il est profondément regrettable qu’un plan d’ensemble cohérent ne leur soit pas proposé pour aboutir à une adhésion qu’ils puissent envisager comme suffisamment rapide et tangible pour accomplir les gestes et les efforts que nous attendons d’eux. On peut toujours affirmer que l’essentiel de leurs échanges se fait avec l’Union européenne et que celle-ci leur accorde la plus grande partie des aides dont ils bénéficient. Il n’empêche que les influences extérieures, celles de la Russie, de la Turquie, des Emirats et de la Chine s’y font de plus en plus fortes.
A défaut de coeur, faisons preuve à l’égard des pays des Balkans, d’un peu d’intelligence, et ne donnons pas le sentiment que nous dressons une nouvelle barrière à l’égard de pays qui, au temps de la Yougoslavie, n’étaient même pas derrière le rideau de fer.