L’arrivée massive de plusieurs milliers de migrants sur l’île italienne de Lampedusa, entre la Tunisie et la Sicile, rappelle brusquement que le problème des migrants ne peut être résolu ni par des barrières égoïstes, ni par des accords douteux avec les Etats de transit situés de l’autre côté de la Méditerranée, ni par les habituelles rodomontades de l’extrême-droite et de la droite dure.
Située en première ligne, la présidente du Conseil italienne, Mme Meloni, a été confrontée dès le départ au principe de réalité. Les entraves qu’elle a décidé d’apporter aux navires des ONG qui secourent les migrants n’ont fait que précipiter des naufrages dramatiques. Sous la pression de l’opinion publique italienne elle a dû finalement demander à ses propres garde-côtes et à la marine italienne de se porter au secours des migrants. Malgré son voyage à Tunis, elle voit les nouvelles arrivées de migrants se multiplier et appelle plus que jamais à la solidarité de l’Europe.
Or, toute une partie de l’Europe reste sourde à ses appels. On savait déjà que plusieurs Etats d’Europe de l’Est faisaient une distinction « ethnique » entre réfugiés ukrainiens ou biélorusses et réfugiés venus d’autres régions du monde. Mais ce sont désormais les Etats « socio-démocrates » du nord de l’Europe qui, trahissant tous leurs principes, leur emboîtent le pas. Les dirigeants danois avaient déjà donné la mesure de leur hypocrisie en faisant prendre en charge leurs demandeurs d’asile par des Etats très en mal de ressources financières. L’Allemagne de M. Schultz et de Mme Baerbock invoque une « forte pression migratoire » et se défausse de tout effort de solidarité -notamment pour ne pas avoir à assumer le conflit qui oppose l’Etat fédéral à différents Länder sur la prise en charge des migrants.
J’ai suffisamment critiqué M. Macron pour ne pas être soupçonné de complaisance à son égard si je rends aujourd’hui hommage au courage dont il fait preuve face à ce drame. M. Macron et Mme Borne ont raison d’appeler leurs partenaires européens à la solidarité à l’égard de l’Italie, injustement victime du « règlement de Dublin », mais aussi -on aimerait qu’ils le disent plus nettement- à l’égard des migrants eux-mêmes. La présidente de la Commission, Mme Van der Leyen, a elle-même raison de dire que l’avenir de l’Europe se joue à Lampedusa. Les Européens ne pourront pas se soustraire au problème des migrations. Ils ne pourront pas trouver de solution sans allier la solidarité entre Etats, la générosité à l’égard de ceux qui fuient la guerre, la faim et les catastrophes climatiques, la recherche de nouveaux équilibres dans leur relation avec les pays du Sud. Une Europe de plus en plus vieillissante ne peut pas durablement fermer ses portes par simple hantise du « grand remplacement ». C’est d’une Europe dynamique, ambitieuse et sûre de ses valeurs de justice et de solidarité que nous avons aujourd’hui besoin pour faire face aux problèmes du monde.